Comment concilier l’improvisation avec les difficultés de rythme ?
Il est fréquent de rencontrer des chanteurs, parfois très avancés dans le travail de leur voix, ayant de réelles difficultés rythmiques. J’ai découvert que l’improvisation pouvait les aider, à combiner bien entendu avec du travail spécifique de rythme via le corps (méthode O Passo).
Je propose de traiter ce problème par différentes entrées :
- travailler des impros longues, au départ sans aucune consigne de pulsation ni de rythme, mais plutôt d’imitation (d’instrument, de voix ou d’animaux) ou de découverte mélodique. Puis dans ces impros, de proposer une pulsation (donnée par un chanteur ou par un instrument de percussion aigu). Le chanteur va subir cette pulsation, s’y adapter plus ou moins facilement. C’est dans le débriefing que la prise de conscie威而鋼 nce peut se faire. En quelques essais il va intégrer cette consigne, mais en restant “libre”.
- mettre dans les mains du chanteur des instruments de percussions variés, aigus/graves, secs/longs, demandant des gestes variés (baguette, frappe de main, tourne de poignet, secouement, etc.) et verbaliser l’ensemble des sensations vécues pendant les impros.
- travailler spécifiquement sur les consonnes, et le contraste consonne-voyelles, sous forme d’impro et d’autres exercices (parlé-chanté, articulation, onomatopées, etc.), pour donner au chanteur la compréhension intime du rôle de la consonne dans le schéma rythmique.
- progressivement, on va pouvoir proposer des impros chantées debout, avec un balancement de pulsation (binaire), d’abord avec un garde-fou (un partenaire), puis seul. Puis on va déléguer la pulsation au chanteur : il en aura la responsabilité.
- Par ailleurs, en progressant dans la méthode O Passo, il aura pris conscience des découpages possibles de la pulsation et de la structuration en mesures. On pourra donc introduire des improvisations DANS LE CADRE des mesures proposées par O Passo, avec des consignes spécifiques, valorisant les autres compétences du chanteur (son timbre, sa créativité mélodique, sa tessiture), afin de lui procurer du plaisir : on va associer plaisir et rigueur rythmique ! A ce stade il faut être très attentif à l’équilibre entre l’effort et le confort, pour reprendre une expression d’un de mes professeurs. Cette période peut durer assez longtemps, car O Passo permet de combiner beaucoup de choses avec ma pratique, et on peut aller très loin dans la complexité, et dans la différentiation voix-pieds !
- Normalement, on on verra à ce stade du travail de réels progrès, qui vont se réaliser dans le travail de répertoire. Le travail sur bande son, puis a capella, devient possible. L’élève sera bientôt prêt à faire de la musique avec d’autres !
Je ne saurais trop mettre l’accent sur l’importance du rythme* dans les compétences du chanteur. Ce dernier dans un ensemble instrumental est très souvent stigmatisé par son incompétence sur le sujet, et ce dans tous les répertoires. Etre incapable de prendre un départ correct sans l’aide expresse des musiciens peut devenir rédhibitoire !
Allez, pour illustrer ça, encore Bobby ! et again !
* rythme au sens large : tenue de pulsation, situation dans la mesure, maîtrise de la structure, reproduction et invention de rythmiques précises, placement de la prosodie.